inutile de vous dire qu'une connaissance purement théorique ne suffit pas : il faut étudier et pratiquer avec des partenaires différents et répéter des milliers de fois chaque prise.
Le dojo
Vous connaissez déjà un certain nombre de termes japonais (judo, ju-jitsu, Kodokan, etc.). Il est d'usage, dans la plupart des sports, de se servir des expressions du pays d'origine. (Exemples : goal, penalty, time, break, play, etc.). Alors faisons de même,
Ne vous étonnez donc pas d'entendre un fervent du judo vous déclarer: «Hier sur les tatamis du dojo, j'ai déchiré mon judogi en exécutant tai-sabaki pendant un randori avec un troisième dan qui voulait me rentrer uchi-mata »,
Cela vous parait barbare? Tout novice qui entre pour la première rois dans une salle de judo se fait cette réflexion. Mais, bien vite, il utilise lui-même une foule de termes que ses partenaires lui enseignent, en même temps que les mouvements.
Au bout de trois mois, tout néophyte peut faire pâlir d'étonnement un vrai Japonais!
Mais voyons ce qu'est un dojo.
le terme do signifiant «voie» et le terme jo désignant un lieu précis, dojo veut dire «le lieu ou l'on étudie la voie»; C'est un terme de provenance bouddhique. La salle de méditation de
certains temples bouddhiques s'appelle dojo. C'est aussi le nom de la salle ou l'on étudie un art martial.
Pratiquement, en Europe, on emploie dojo pour «club». En fait, un club de judo moderne comprend : une salle de douches, un vestiaire, une salle de gymnastique, une salle de séjour (bar, bibliothèque) et ... le dojo (salle ou l'on étudie le judo).
idéalement, c'est une vaste pièce, dont le sol est recouvert d'un immense tapis. Les murs sont nus, très clairs. Parfois y sont accrochées une ou deux photos techniques de judo: une belle projection, par exemple. Au centre du mur qui fait face à l'entrée sont fixes un ou plusieurs emblèmes symboliques : la fleur du cerisier, un sabre de samouraï, la photo de Jigoro Kano ou un kakemono (peinture japonaise qui s'enroule sur un bambou).
De l'ensemble, il se dégage un climat d'austérité, de paix profonde, une ambiance favorable a l'étude et aux recherches sérieuses.
Pendant l'entraînement, le silence est de rigueur et, seulement quand nécessite se fait sentir, on questionne ou l'on répond sans trop élever la voix. Une tenue vestimentaire correcte et propre est de rigueur. Tout laisser-aller est proscrit. Un maître juge sou vent ses élèves a leur comportement au dojo.
Si des spectateurs sont admis, il leur est demandé de ne pas fumer, de se découvrir et de garder également le silence.
Lorsque le dojo est tenu de la sorte, il est naturel que le judoka le considère bien vite comme un lieu de méditation, comme une oasis hors du bruit.
Comment d'ailleurs concevoir une autre atmosphère pour cette passionnante ascension vers la maîtrise de soi?
Les tatamis
Pour pratiquer à l'aise le judo, Il faut pouvoir tomber sur un sol assez .. accueillant. Celui-ci doit être souple, élastique et ne peut causer, en cas de chutes, aucune blessure ou autre traumatisme.
Nous avons vu que le sol, au dojo, est couvert d'un immense tapis. Il s'agit en fait d'une grande toile très solide, sous laquelle se trouve une couche de quelques centimètres de feutre, de paille ou de tout autre matière susceptible d'amortir les chutes. .
Ce dispositif reste très bon pour un débutant, mais Il tend de plus en plus à être remplace par un moyen plus efficace. Pourquoi? Parce qu'on a constate que ces tapis étaient trop mous. lis freinaient la rapidité de déplacement, affaiblissaient les mouvements de détente et amortissaient mal les chutes violentes. Faites vous-même cette expérience : exécutez rapidement un pas de danse sur un plancher, puis essayez-le sur un matelas. Vous conviendrez qu'un sol trop mou est loin d'être idéal Pour le judo, il est impossible de travailler sur un plancher : il serait idéal pour l'attaquant, mais vaudrait l'hôpital à l'attaque. La solution idéale est donc à mi-chemin : c'est le tatami.
Le mot désigne la natte qui recouvre le parquet de toute demeure nippone. Elle est faite de chanvre tressé ou de lin, parfois de paille de riz; on la recouvre souvent d'une toile claire. Sa dimension est standard: environ un mètre sur deux.
Ces nattes, mises bout à bout, créent une atmosphère intime et propre. Songez qu'on se déchausse en entrant dans une maison nippone.
Notons en passant que le tatami est utilise au Japon comme mesure de surface. On dira r :« Ma chambre fait douze tatamis » ou « Nous avons loue un appartement de trente-six tatamis », etc.
En ce qui concerne le judo, les clubs européens emploient de plus en plus des tatamis fabriques spécialement dans l'empire du Soleil Levant. lis mesurent 1.90 m sur 0.95 m et ont une épaisseur de 6 cm. lis sont faits de paille de riz triée, coupée, presses et cousue dans une enveloppe de toile de jute, de bâche ou, mieux, de vinyl. Ces nattes sont mises les unes à côté des autres et maintenues à l'extérieur par un cadre. L'ensemble peut être pose soit sur un plancher fixe, soit (ce qui est préférable) sur un plancher élastique monté sur ressort ou sur caoutchouc. Quel est l'avantage d'un tel dispositif? Le judo devient plus rapide, plus nerveux, plus explosif; on peut tirer parti des techniques les plus fines. Et, ce qui ne gâche rien, les chutes sont mieux amorties, malgré l'impression de sécheresse du début. Physiologiquement, la répartition de l'onde de choc est plus homogène, Le débutant n'étant entraîne que dans de petites chutes, il préférera probablement tomber sur un tapis, qui le reçoit comme le ferait un coussin confortable. Mais, au fur et à mesure qu'il avance dans son initiation, les chutes deviennent plus importantes. il constate alors, au moment de l'impact, que les vibrations du choc doivent être diffusées rapidement sur une grande surface, leur dispersion atténuant le choc en retour. Or, sur un tapis plus mou, l'onde de choc reste concentrée au point d'impact.
Le judogi
Comme un combat «réel» se mène entre adversaires vêtus, le judo en tient compte. Les judokas ne luttent pas en maillot, mais habillés d'un pantalon et d'une veste. Les techniques de combat seront d'ailleurs influencées dans une large mesure par le vêtement, au point même de l'utiliser comme moyen d'attaque (j'en parle dans les pages qui suivent). Mais lutter en corps à corps revêtu d'un costume de ville, risque de coûter très cher : le vêtement se déchirera à la première empoignade. Il a donc fallu concevoir un équipement spécial pour le judo :
le judogi ou le keikogi. Ces mots signifient, respectivement, « costume de judo» et «costume d'entraînement ». Au Japon, on-les emploie l'un pour l'autre. Le pantalon est en toile blanche très solide. Il est ample, sans bouton, ni fermeture-éclair. Un cordon passe dans une coulisse le long de la ceinture, afin de fixer le pantalon à la taille (fig.1). La veste est tissée dans une toile plus épaisse et plus solide encore que le pantalon. De plus, elle est généralement renforcée au col, aux aisselles et aux autres parties susceptibles de se déchirer. Elle est également blanche et ne comporte aucun bouton ou autre système de fermeture (fig.2). Le judoka enfile cette tenue en ne gardant sur lui qu'un slip. Sur le tapis, il évoluera pieds nus, ceux-ci jouant un rôle très important, non seulement pour les déplacements et les détentes, mais aussi pour d'innombrables prises. Le pied d'un judoka entraîné est d'ailleurs toujours parfaitement musclé.
Les kyus et les dans
Parlons enfin de la dernière pièce vestimentaire du judoka.
Il s'agit d'un accessoire à la fois utile et honorifique : la ceinture. C'est elle qui maintient à la taille la veste du judogi. Elle est faite de toile épaisse. Sa largeur est -de 4 cm environ et sa longueur approximativement de 2 m. Elle ne possède aucune boucle. Voici comment la fixer : après avoir rabattu les deux pans de la veste
l'un sur l'autre, saisissez la ceinture en son milieu et posez-la sur le nombril (fig.3). Passez alors les deux bandes derrière le dos, croisez-les sur les reins et ramenez-les de part et d'autre du corps vers l'avant (fig.4). Les deux bouts doivent être de longueur égale.
Nouez-les au milieu de l'abdomen par un noeud plat (fig.5).
Et vous voila prêt à faire connaissance avec le judo!
La ceinture est aussi le «galon» du judoka. Au Japon, tout comme ailleurs, on répartit tout enseignement par «paliers» de connaissance et de maîtrise. En judo, il existe six «classes » pour le débutant et dix échelons pour l'étudiant avancé.
Lorsque vous commencez l'étude du judo, vous recevez une ceinture ... uniquement pour tenir votre judogi : elle est alors de couleur blanche.
Vous êtes considéré comme un 6e classe (ou kyu, en japonais).
Au fur et a mesure que vous assimilez les techniques et que vous devenez expert dans le combat, vous passez successivement 5e, 4e, 3e, 2e et 1er kyu. Au Japon, vous êtes autorise, a partir du 3e kyu, à laisser votre ceinture blanche au vestiaire et à porter une ceinture marron. En Europe, Mikonosuke Kaiwashi, pour des raisons pédagogiques propres aux élèves occidentaux, créa le système de ceintures différemment colorées pour chaque kyu .. C'est ainsi que le néophyte, après deux ou trois mois de trans-
piration au dojo, se volt accorder le 5e kyu : il reçoit alors de son professeur la ceinture jaune. Plus tard, il chaque étape de kyu, il se voit successivement attribuer les ceintures orange, verte, bleue et enfin marron. Des lors, il est candidat au titre plus sérieux d' «étudiant avance» (il y a quelques années, on disait en Europe «expert»!). Le candidat doit réussir des compétitions sérieuses passer ensuite un examen très sévère et enfin se présenter devant . ses supérieurs, qui le jugent selon sa moralité, son «passe judo» et d'autres éléments. Ayant réussi ses épreuves, il obtient la fameuse ceinture noire!
Il y a 10 ans encore, être ceinture noire en Europe était, en matière de judo, ainsi qu'en self-défense ou en tout autre mode de combat (en force ou en maîtrise de sol), le «nec plus ultra». Aujourd'hui, nous nous rapprochons plus de la réalité nippone. Etre ceinture noire constitue certes une performance. Ne l'est pas qui veut. Il faut beaucoup de courage pour y arriver. Mais ce n'est qu'une première étape vers la maîtrise. En effet, les ceintures noires ont des échelons (dan, en japonais) à gravir. Il y a théoriquement dix' dans en judo. Lorsqu'une ceinture noire réussit ses «examens de passage», elle est promue ceinture noire 1e dan. Ensuite, en s'entraînant sérieusement, en passant épreuves après épreuves, elle accédera au grade de 2e dan puis 3e, 4e, 5e, etc ... Comme il n'y a aucune perfection en ce monde: il n'y a pas de limite aux grades. Il est donc possible qu'un 10e dan par une pratique assidue, arrive à une perfection telle que lui soit octroyé le 11e dan. Jigoro Kano, créateur du judo, reçut le titre de «shihan» (maîtrissime) à titre posthume. Il équivalait au titre de 12e dan.
Jusqu'a ce niveau, tous les «grades» portent la ceinture noire à l'entraînement et en compétition. Mais lorsque le titulaire d'un 6e, 7e ou 8e dan assiste comme arbitre ou invite d'honneur à une manifestation de judo (championnat, gala, conférence, etc ... ), il porte la ceinture rouge avec section blanche. Au-delà du 8e dan, cette ceinture de gala devient rouge. Pour le 12e dan, on considère que le titulaire d'une aussi extraordinaire distinction a atteint un tel niveau qu'il dépasse toute catégorie. Il retourne alors «aux sources» et porte la ceinture blanche. Mais, afin que certains néophytes ne s'y trompent pas (!), cette dernière est deux fois plus large que celle du débutant.
Avant de terminer, il est peut-être utile de dire (afin de vous éviter -quelque désillusion) qu'une vie entièrement consacrée au judo suffit à peine pour atteindre les plus hauts grades. Seuls, des êtres exceptionnellement doues et tenaces peuvent y arriver. Deux ou trois ans de travail acharne est le minimum requis pour atteindre le 1er dan; ensuite, le temps de stage pour chaque échelon augmente progressivement. Voici, pour chaque grade, les temps nécessaires : 2e dan : 6 mois; 3e dan : 1 an; 4e dan : 1 an; 5e dan: 2 ans; 6e dan: 5 ans. Soit 12 ans en tout pour atteindre le 6e dan ... à condition d'être un champion exceptionnel, de battre tous les adversaires dans des compétitions spéciales et de réussir des examens de plus en plus difficiles! Sinon les étapes seront respectivement de 2, 3, 4,5,6 et 9 ans, soit 33 ans pour le 6e dan seulement.
Au delà, les grades dépendent moins des compétitions, bien qu'il soit toujours demande une forme excellente. Les critères sont : la haute moralité du judoka, sa manière de comprendre les principes supérieurs du judo, sa contribution au développement, à l'amélioration ou à la diffusion du judo.
Si vous commencez le judo à 15 ans, estimez-vous donc heureux d'atteindre le 6e dan à 50 ans ... à moins d'être un champion, bien entendu.
Quant aux grades supérieurs et depuis qu'il existe des 10e dans, il n'y en a jamais eu en vie que deux ou trois à la fois.
De quoi laisser rêveur, quand on sait que le Japon, à lui seul,. compte 300.000 ceintures noires.