A l'entraînement et, à plus forte raison, en compétition, il arrive que la fougue déployée par les combattants les entraîne au delà des limites permises par la prudence et le contrôle de soi. Aussi survient-il parfois certains accidents souvent bénins, parfois graves. Comme chaque dojo ne possède pas à tout instant un médecin sous la main, il est nécessaire que le professeur connaisse les rudiments du secourisme classique. Il est de tradition que toute ceinture noire soit plus ou moins initiée à un art de la réanimation connu sous le nom de kwappo. C'est la science des fameux kuatsus. Beaucoup de légendes courent sur cette miraculeuse médecine des ceintures noires. En fait, on lui doit quelques réanimations spectaculaires. De quoi s'agit-il exactement?
le kwappo est un ensemble de procédés dérivant de plusieurs techniques chinoises et japonalses. Il utilise le massage, les pressions, les percussions et. le fameux kiai. De plus, certaines techniques du fameux seifuku nippon sont appliquées en kuatsu pour réduire une fracture, remettre une dislocation, etc ...
Ses origines les plus lointaines remontent à l'antique médecine chinoise et en particulier à la célèbre acupuncture. Près de 3.000 ans avant J.-C., les chinois utilisèrent les premiers l'emploi d'aiguilles pour diminuer ou faire disparaître un point douloureux. Partis de principes de base très primitifs, leur esprit d'observation et leur légendaire patience transformèrent ces techniques simplistes et empiriques en une véritable science expérimentale de réflexothérapie.
Vers l'an 600 de notre ère, la civilisation chinoise introduisit une médecine savamment élaborée au Japon. le peuple nippon ne tarda pas à en tirer profit et à étendre le principe d'excitation des points vitaux. Il en tira les fameux atemis, les moxas et le kytappo.
Ce dernier fut élaboré tout au long des siècles du moyen âge nippon. Et comme la plupart des techniques de l'époque, sa transmission se fit verbalement, dans le plus grand secret. Encore avant la seconde guerre mondiale, bien des kuatsus étaient résolument gardés secrets. De nos jours, il est enseigné à toutes les ceintures noires et certains kuatsus élémentaires sont enseignés dans les écoles japonaise au même titre que les premiers soins de secourisme.
Il est évident que certains kuatsus ne peuvent être utilisés par des mains inexpertes. la connaissance approfondie de l'anatomie et de la physiologie sont nécessaires pour déterminer avec exactitude les points vitaux à manipuler. Une certaine connaissance de traumatologie et de pathologie est indispensable pour détecter avec sûreté la nature de l'accident et le remède à y apporter. En aucun cas, les kuatsus ne forment une médecine thérapeutique complète comme l'acupuncture et la chiropractie.
Une ceinture noire, quels que soient son grade et ses connaissances, n'est pas un médecin. Tout au plus pourra-t-il réanimer un syncopé, atténuer la douleur d'un contusionné ou préparer le travail d'un médecin appelé d'urgence. Mais jamais il ne pourra remplacer ce dernier.
Quelles techniques utilisent le kwappo? En principe, outre les massages et réduction de fractures, les kuatsus sont des percussions sur des points nerveux. La plupart sont situés sur la colonne vertébrale. D'autres sur des plexus et des terminaisons nerveuses. Il s'agit donc d'irriter un nerf bien précis qui, par voie réflexe., excite ou ralentit une fonction organique. Par exemple, une percussion sur la septième vertèbre cervicale accélère le rythme cardiaque et une percussion sur la quatrième vertèbre dorsale, abaisse la pression artérielle.
Voici quelques kuatsus :
• Contre le saignement de nez. Asseoir le « malade» sur le sol, les jambes légèrement fléchies. Lui décontracter les muscles du cou par quelques rotations de la tête. Renverser doucement
Sa tête en arrière en soulevant d'une main le menton et frapper très légèrement avec le bord cubital de l'autre main, sur la base de J'occiput. Les coups seront secs et brefs de manière à faire , vibrer la colonne vertébrale. L'action vibratoire agit sur la première cervicale provoquant ainsi un court arrêt de la circulation sanguine
( Fig .1) .
• Contre les syncopes (étranglements, coups, faiblesse). seoir le patient sur le sol, jambes étendues, mains entre les cuisses. Se placer debout derrière lui, placer les mains à plat sur ses clavicules ou plus bas. Ramener les mains vers le haut en
écartant ses épaules et en dilatant sa poitrine, pendant que votre genou droit percute le rachis à hauteur de la,sixième vertèbre dorsale. Répétez plusieurs fois de suite jusqu'à réanimation. Frappez sèchement, mais sans brutalité. Après réanimation. continuez l'action des mains pour forcer la respiration (fig. 2) .
• Contre les coups aux testicules (par Uchi-Mata. O-Uchi-Gari). Asseoir le patient sur le sol, jambes tendues, poser les mains sur ses épaules et frapper du bol du pied la troisième vertèbre lombaire. Ici encore, coups secs mais non brutaux.
Dans les cas peu graves, le patient peut se soulager lui-même en se donnant des coups de poings sur les lombes (fig. 3) .
• Deuxième cas (Uke évanoui). Etendre le malade sur le dos. Saisir un pied par la cheville en allongeant vigoureusement la jambe et percuter le point situé sur l'extérieur de la plante du pied entre le malléole interne et l'articulation du gros orteil. Cette percussion peut se faire avec l'articulation du médius ou le tranchant de la main. Deux à trois coups suffiront pour le réanime (fig. 4).