Cette méthode découle de l'expérience des champs de bataille où les samouraïs se rendirent compte que la self-défense élémentaire et les atemis ne suffisaient pas à vaincre un adversaire beaucoup plus fort que soi. La légende des saules sous la n~ige témoigne de l'idée de souplesse qui s'imposa très tôt aux guerriers nippons. Au principe de la force contre la force, va succéder le principe de la souplesse. Le principe ju est celui du meilleur emploi de l'énergie, du tai-sabaki et du kiai, tant vanté en Judo. La technique sera moins fine qu'en judo, mais plus pratique en tant que défense personnelle. Le point important, en cas d'agression, n'est plus de parer l'attaque à tout prix, en se basant sur des réactions de l'instinct de défense, mars, au contraire, d'esquiver le coup, L'esquive, voilà le point délicat de la méthode! Il s'agit donc de maîtriser la peur instinctive, de brider les réflexes primaires et d'attendre l'attaque jusqu'à la limite du danger. A ce moment l'assaillant est sûr de sa victoire, au sommet du déploiement de sa force. C'est alors que l'expert, par un adroit mais combien rapide tai-sabaki, évitera le coup, la poussée, la traction ou la clé de son assaillant. Ce dernier, rencontrant le vide, perd l'équilibre, tant psychologique que physique, durant une fraction de seconde. Cette défaillance momentanée est exploitée au maximum par l'attaqué, grâce à une technique de son choix, Se servant de la force de l'adversaire, il lui est loisible d'utiliser sa propre force dans des conditions, beaucoup plus variées que dans la self-défense élémentaire. S'il est réellement un maître du tai-sabaki, il peut indéfiniment esquiver les attaques de son adversaire qui, d'ailleurs, ne tardera pas à s épuiser. Dans le cas où l'expert préfère contraindre plus rapidement son adversaire, il emploie la science du déséquilibre et maîtrise par une projection, une clé ou un atemi, s'il le juge nécessaire Voici par exemple, le cas d'une application du tai-sabaki suivi de la projection.
L'attaque à coup de matraque. Lors d'un coup de matraque ou de bouteille venant d'en haut, l'attaqué laisse le coup partir et l'esquive par un tai-sabaki rapide peu avant que l'arme n'atteigne sa tête. Le bras de l'adversaire continue sa course pendant .une fraction de seconde (ou d'avantage, s'il s'agit d'un novice). L'assailli saisit alors rapidement ce bras pour accentuer la. trajectoire et entraîne l'adversaire dans son tai-sabaki. Il le charge sur l'épaule pour le projeter en ippon-seoi-nage .Bien souvent, il sera plus facile de dévier le coup en levant le bras gauche (réflexe élémentaire) non plus pour barrer, mais pour entraîner le bras dans la direction initiale quelque peu déviée. Pivotant instantanément sur sa gauche, l'attaqué entraînera son ennemi dans son mouvement giratoire en tirant sur le bras armé et le chargera sur l'épaule (fig. 2).
Il ne s'agit plus maintenant de réflexes élémentaires, ni supplémentaires, mais bien de réflexes conditionnés. Seul un apprentissage correct et un long entraînement permettront à l'initié d'acquérir des réflexes parfaits et fulgurants.
En judo, la pratique du combat debout amène progressivement le néophyte à atteindre ces réflexes de souplesse.
Certains katas adaptent ceux-ci à la défense personnelle. Le ju-no-kata insiste sur les techniques de souplesse, du « céder pour vaincre »; le kime-no-kata reprend les mêmes principes en y ajoutant l'entraînement à l'esprit de décision, à la pratique du kiai, Enfin, les deux derniers katas visent à éduquer au mieux les réflexes dans des cas particuliers et sont une excellente introduction à la défense intégrale.