lundi 13 septembre 2010

LE TRAVAIL DEBOUT

Quand deux partenaires travaillent debout, en étude ou en combat, l'action la plus courante est la projection. C'est-à-dire: saisir l'adversaire, le déséquilibrer et le faire basculer par-dessus soi. Pour y arriver, il est nécessaire de tenir compte de plusieurs éléments. Je les énumère et les décrit.

Kumi-Kata

C'est la façon de saisir l'adversaire. Elle est très importante.

Apres s'être respectivement salués, les deux partenaires s'avancent l'un vers l'autre et se saisissent d'une manière plus ou moins conventionnelle. Le kumi-kata à droite consiste à saisir de la main gauche t'extérieur de la manche droite de la veste du partenaire, à hauteur du coude. D'autre part, la main droite saisit le revers du col de l'adversaire à hauteur du pectoral gauche, le pouce à l'intérieur de la veste. La hauteur à laquelle les mains se portent varie suivant les judokas. Cette variante est due a diverses causes : la taille et e poids des adversaires, la force des mains, le mouvement favori, les tactiques de combat, la psychologie du judoka, etc. En général, le kumi-kata se fait à droite pour toutes les projections portées sur le côté droit de l'adversaire. Le kumi-kata à gauche s'exécute exactement de la même manière, mais en inversant la position des mains.


Shintai

REMARQUES

• Au début, tenez-vous en au kumi-kata normal. C'est le meilleur moyen de porter toutes les projections fonda mentales. Si vous le modifiez légèrement par la suite, évitez les excès ou les déformations du genre «saisir les deux manches» ou «saisir la ceinture»:

• Ces pratiques peuvent se faire sporadiquement, mais leur application systématique doit être absolument évite. Ce serait le meilleur moyen d'en rester à un judo partiel, qui ne permet pas de progresser.

• Prenez beaucoup de tissu dans votre main. Engagez largement vos mains ouvertes pour prendre une solide poignée de toile.

• Le judogi de votre partenaire doit être bien en mains, mais aussi bien tendu. Vous devez garder constamment le contrôle de son corps. Pour cela, évitez de tirer trop à vous ou au contraire de pousser trop des mains sur le partenaire. Nous verrons pourquoi.

Shizen-Hontai

C'est la position naturelle du corps en station debout, droit et relaxé, les pieds légèrement écartés (environ 30 cm). Lorsque vous êtes saisi en kumi-kata vous garderez toujours cette position. Elle sera dite « à droite» (migi-shizentai), si vous avancez normalement le pied droit en avant, et «à gauche» (hidari-shizentai), si le pied gauche est avance. C'est le plus rationnel pour l'étude, mais aussi pour les formes autres d'entraînement, que nous verrons plus loin. De cette position, vous pouvez évoluer rapidement dans tous les sens, pour attaquer ou vous défendre. Gardez-la toujours à l'esprit et surveillez-vous pendant l'entraînement : éliminez les raideurs et les crispations; gardez la colonne vertébrale droite; respirez profondément,

Jigo-Hontai

C'est la position défensive en station debout, jambes très écartées, genoux fléchis, fesses un peu en arrière. Généralement, les bras sont contractes et contrôlent sérieusement l'adversaire. Cette position, quand elle est engendrée par la peur, est la plus mauvaise qui soit. La respiration est alors bloquée, les tensions musculaire et nerveuse sont presque à leur maximum. Les mouvements, d'ailleurs rares, sont secs, brusques et sans efficacité. L'attaque devient difficile et la défensive précaire, parce que statique. Bref, c'est la pire des choses que puisse faire un judoka (surtout un débutant). Se complaire dans une telle attitude dénote un esprit agressif très réprimé, donc constamment sur la défensive et fermé à toute possibilité de progrès. Pratiquement, il faut reprendre l'étude des ukemis et revoir la position naturelle en relaxant progressivement tous les groupes musculaires.

Dans l'intérêt du judoka, il sera nécessaire pour ses progrès ultérieurs de l'initier immédiatement au travail décontracte. Aussi le professeur consciencieux y veillera-t-il particulièrement, appliquant, dans les cas opiniâtres, les techniques spéciales de relaxation et de décontraction concentrative. Les exercices respiratoires du yoga seront également salutaires. Toutefois, le jigo-hontai peut servir en compétition. Il n'en reste pas moins une technique de désespoir, quand tous les autres moyens de «perception intuitive» et d'esquive ont échoué; Seuls les bons judokas, rapides, forts et souples, l'emploient avec efficacité sans en subir les revers. Il faut, en effet, pouvoir passer rapidement, après une chaude alerte, de la position défensive à la position naturelle.

Shintai

C'est le de placement sur le tapis. Apres le salut, les judokas s'empoignent en position naturelle et peuvent alors commencer a se déplacer, ils le feront de la manière la plus rationnelle possible. Le corps doit en effet se mouvoir légèrement, rapidement et sans jamais être en déséquilibre. Pour ce faire, deux moyens sont utilises : la marche naturelle (ayumi-ashi), dans toutes les directions, jambes légèrement écartées, le poids du corps sur l'avant des pieds, ceux-ci se soulevant le moins possible du tapis. La position est toujours naturelle et le centre de gravite se déplace au-dessus du polygone que forme la surface comprise entre les lignes extérieures des deux pieds.

Les pas successifs et glisses (tsugi-ashi) s'exécutent suivant les mêmes principes de position que dans d'autres déplacements.

Pour ce déplacement, vous avancez un pied (toujours le même)

l'autre vient aussitôt se placer à quelques centimètres. A ce moment, le premier pied repart, suivi de nouveau de l'autre pied. Jamais le second pied ne dépasse le premier. Cette marche peut se faire dans toutes les directions.

REMARQUE IMP0RTANTE : les déplacements seront soigneusement étudies par les débutants. ils se placeront en kumi-kata et commenceront ainsi à circuler sur le tapis, soit en ayumi-ashi, soit en tsugi-ashi. lis veilleront à garder constamment la position naturelle et à ne pas se mettre en déséquilibre. Nous étudierons ce point important. il existe encore d'autres principes de déplacement efficaces qu'il est bon de connaître. Toutefois, leur étude n'est pas à conseiller avant d'avoir assimilé parfaitement les premiers déplacements, les déséquilibres et surtout les premières projections.

L'emploi de la force?

Nous savons que le judo est une méthode de combat bases sur la souplesse. Céder pour vaincre est le grand principe. Est-ce à dire qu'il faille abolir tout recours à la force brutale, gaspillage inutile d'énergie? Oui, absolument, Cependant, la moindre action suppose la mise en jeu d'une force, si minime soit-elle. Même tomber ou penser suppose une dépense d'énergie. il faut donc avoir recours à la force en judo et même, parfois, à beaucoup de force. Le problème est de savoir la doser. Quel est ce dosage?

le vénère maître Kano, fondateur du judo, l'a dit en une formule lapidaire : «Le minimum d'effort pour le maximum d'efficacité », Le judoka doit chercher à résoudre chaque cas en appliquant les règles de l'économie dynamique. Un des moyens les meilleurs est l'utilisation de la force d'autrui (c'est, à mon sens, ce qu'il y a de plus difficile en judo). Si l'on vous pousse, disent les vieux maîtres, tirez; lorsqu'on vous tire, poussez. En accentuant la traction ou la poussé de votre adversaire, vous . obtenez, outre un effet de surprise chez celui-ci, son déséquilibre, qu'il vous sera loisible d'exploiter alors au maximum.

La théorie est simple, mais la pratique l'est moins. Nous nous trouvons devant une complexité d'application peu ordinaire. lmaginez qu'il me soit possible de provoquer une pousses chez mon adversaire, de telle sorte qu'il se trouve dans l'obligation de résister. En une fraction de seconde, je transforme ma poussée en traction. Je peux également commencer le combat en tirant l'adversaire et, sur sa résistance plus ou moins forte, je transforme ma traction en poussée pour le déséquilibrer. Mais mon adversaire pourrait, au lieu de résister, céder et utiliser mon mouvement initial. Il existe donc au départ deux possibilités de ma part : je prends l'initiative de l'attaque ou j'attends l'initiative de mon adversaire.

Dans le premier cas, les possibilités sont les suivantes :

1° je pousse et boucule mon adversaire au sol;

2° je tire et fais tomber mon adversaire;

3° je pousse, l'adversaire résiste, je tire aussitôt et le fais choir;

4° je tire, l'adversaire résiste, je pousse aussitôt et le fais choir;

5° je pousse, l'adversaire cède, je résiste;

6° je tire, l'adversaire cède, je résiste.

Dans le second cas, c'est évidemment l'inverse. Ainsi, voilà déjà 12 possibilités, en n'utilisant que des principes de mécanique simples d'intensité constante. Il faudra, par la suite, tenir compte des déplacements et des déséquilibres plus nuances. De plus, la grande variété des projections complique encore le problème : sachez que chaque projection peut avoir une ou plusieurs contre-prises. Et, le couronnement, l'état psychologique du combattant. Pourquoi? Tout mouvement du corps étant commandé par le système nerveux, dirige consciemment ou inconsciemment par le cerveau, le physique influence le mental et vice-versa. Toute notre évolution physique, depuis la naissance et déjà avant, a laissé des traces dans notre cerveau. De plus, celui-ci, petit a petit, a conditionné un univers de pensées qui, à leur tour, ont influence notre comportement physique. Donc le judoka débutant, s'il est entièrement dépourvu de «réflexes-judo», est loin d'être un terrain vierge. Il commence son apprentissage avec un héritage d'acquisitions neuro-musculaires et mentales, qui sont loin d'être parfaites. Lorsqu'il sera sur le tapis, pousse et déséquilibre, son héritage, bon ou mauvais, entrera en ligne de compte.

Mais revenons a notre étude de l'emploi de la force. Le judo nous enseigne que, pour employer judicieusement l'énergie d'autrui, ainsi que la notre, il est essentiel de coordonner correctement tous nos mouvements. Le sang-froid,la maîtrise parfaite du corps sont d'une importance capitale pour vaincre, Si l'on accorde une trop grande importance à la force brutale, sans tenir compte des applications correctes de celle-ci, il en découlera une attitude raide et lourde. Ne tirez pas un adversaire par la seule force du biceps! Utilisez plutôt toutes vos ressources physiques et psychologiques, choisissez bien où vous allez l'empoigner, tirez ou poussez au bon moment, non seulement avec les bras, mais aussi avec le tronc, les jambes, la tête. Tout mouvement doit être harmonieux et utiliser l'énergie d'autrui. Un mouvement de judo est parfait lorsque l'action en a été coordonnée de manière à ne faire qu'un seul geste. Par un apprentissage lent et sérieux, le judoka parvient facilement à maîtriser chacun de ses mouvements, en éliminant tout geste inutile.

Mais nous n'en sommes pas encore la. Commençons par étudier les règles élémentaires du déséquilibre.

Kuzushi

Ce terme signifie «rompre» ou «déformer la position».

Pour que vous puissiez manoeuvrer avec le moins de force possible votre adversaire (que ce soit pour lui porter une projection, une luxation ou un étranglement), il est nécessaire de rompre sa position naturelle. Un individu en perte d'équilibre ne peut résister ou attaquer. Il y a, dans la position debout, huit manieras de rompre la position naturelle d'équilibre. Ce sont les déséquilibres rencontres dans les huit directions des points cardinaux et ordinaux. Si vous tirez par le col votre adversaire vers l'avant, il est en déséquilibre avant; si, au contraire, vous le poussez sur ses talons, il est en déséquilibre arrière, Il en est de même latéralement à gauche et à droite, ainsi que dans les positions intermédiaires.

C'est la «rose des vents» du kuzushi.

Les moyens de déséquilibrer votre partenaire sont nombreux.

Lorsque vous étés en kumi-kata, vous pouvez le déséquilibrer sur place ou en le déplaçant, Sur place, vous tirez avec vos bras ou poussez dans la direction voulue, mais en vous servant de tout votre corps. N'oubliez pas que vous êtes une masse qui, en se déplaçant, peut entraîner une autre masse qui lui est solidaire. Utilisez donc votre poids! Vous pouvez aussi déséquilibrer en marchant : pour tirer, reculez d'un pas; pour pousser, avancez d'un autre. Mais n'oubliez pas que l'efficacité de votre énergie ne sera optimum, dans ce déséquilibre, que si vous le provoquez au moment précis ou votre adversaire déplace son centre de gravité d'un pied sur l'autre, A ce moment, le centre de gravité se trouve dans sa position la plus haute, c'est-à-dire la plus vulnérable. Entraînez-vous au kuzushi des que vous savez vous déplacer correctement. .,

Votre partenaire et vous circulerez alors sur le tapis,en essayant mutuellement de vous déséquilibrer. Ce sera l'occasion de mettre en pratique les premières applications de poussées et de tractions adaptées aux réactions de l'adversaire. Bien sou vent, le débutant brûle d'impatience de faire tomber son adversaire. Chaque chose en son temps! Astreignez-vous, comme le font les débutants japonais, à bien vous entraîner aux chutes, aux déplacements et aux déséquilibres. Plus vous passerez de temps aces diverses études, plus vite vous obtiendrez des résultats extraordinaires par la suite dans les projections. Vous comprendrez d'ailleurs le bien-fondé de cette affirmation si vous savez que, pour porter efficacement une projection sur n'importe quel adversaire, celui-ci doit être parfaitement déséquilibre et qu'il faut être très rapidement place au meilleur endroit d'application de la projection. Pour cela, vous devez être souple, décontracte, rapide, débarrassa de toutes craintes et il importe de juger aisément de l'opportunité du mouvement.

Tsukuri

C'est le déplacement que vous effectuez en rompant l'équilibra de votre adversaire et en vous plaçant en bonne position pour projeter efficacement ce dernier. Dans la description des projections, nous verrons, pour chaque mouvement, quels sont les tsukuris les plus recommandes,

Kake

C'est l'acte même de projeter l'adversaire et l'application d'une projection qui parachève le kusushi et le tsukuri. Je l'analyserai en parlant du principe de la «projection»,

Nage-Waza

C'est la «projection», technique caractéristique du judo.

Il en est de très spectaculaires qui semblent tenir plus de la magie que du sport. le principe en est pourtant simple. Nous avons vu que tout l'art du judoka consiste à combattre debout et à contrôler l'équilibre de l'adversaire pour pouvoir le rompre au moment opportun, avec un minimum d'effort.

le judoka accentue ce déséquilibre jusqu'a la chute complète.

Pour y arriver aisément, il se sert de la combinaison de deux forces: l'une qui déséquilibre l'adversaire et le tire au sol, l'autre qui l'empêche de se déplacer pour recouvrer son équilibre. La première force est toujours dynamique, la seconde est souvent statique. Par exemple, je saisis un adversaire par les revers de sa veste et le tire vers moi, il est déséquilibre vers l'avant. Pour ne pas tomber, il avance instinctivement le pied droit afin de retrouver son équilibre. Je place alors rapidement mon pied gauche sur son pied droit, tout en continuant à le tirer vers l'avant. Immanquablement, mon adversaire culbutera sans pouvoir réagir.


nage-waza

Je puis aussi lui barrer le passage avec une autre partie de mon corps: je pivote sur moi-même tout en continuant à tirer vers l'avant et je me déhanche fortement, lui opposant ma hanche droite, Il heurtera ce point d'appui et basculera par-dessus. U est évident que pour réussir une vraie projection de judo, les éléments du succès sont moins simples. Avant de les étudier en détail, sachez que les projections sont divisées en deux grandes classes : le tachi-waza et le sutemi-waza. Le premier groupe forme l'ensemble des projections que vous effectuez en étant debout, en jetant l'adversaire au sol, tout en gardant vous-même la position debout. Le second groupe rassemble toutes les projections ou, pour projeter l'adversaire, vous sacrifiez complètement votre équilibre et ou vous vous jetez vous-même au sol, en y lançant votre adversaire. La plus classique de ces projections est la fameuse «planchette japonaise», Les projections se subdivisent encore d'après le point d'application du mouvement. Ainsi. si vous déséquilibrez un partenaire et le faites basculer sur votre hanche, vous avez applique une projection de hanche. Vous auriez pu aussi employer une technique de bras ou de mains, de jambes ou de pieds. Dans un combat de judo, vous. marquez un point sur votre adversaire si, l'ayant déséquilibre, vous le projetez d'une manière nette sur le dos. Généralement. une projection nette suffit à vous donner la victoire en compétition.

Vous savez maintenant l'essentiel. L'étude détaillée de chacune des projections vous donnera tous les renseignements complémentaires.