dimanche 31 octobre 2010

Les cerisiers et le saule


Près de Nagasaki vivait un médecin philosophe nommé Shirobei Akyama. Il était convaincu que l'origine des maladies humaines est la mauvaise utilisation du corps et de l'esprit. Ce précurseur de la médecine psychosomatique partit pour la Chine ou, disait-on, les techniques thérapeutiques faisaient merveille. Il étudia les principes du tao, l'acupuncture et quelques prises du fameux wou-chou, lutte chinoise qui utilise les projections, les luxations et les coups, et créée par un médecin pour rétablir rapidement les convalescents et développer harmonieusement le corps.

Rentre au Japon, Shirobei Akyama enseigna à quelques disciples une vingtaine de techniques de réanimation et trois ou quatre attaques basées sur l'endommagement de certains points vitaux. Il avait compris le principe positif de la philosophie du tao, ainsi que ses applications pratiques en médecine ou en lutte. Au mal, il opposait le mal, à la force. Mais, devant une maladie difficile à définir ou trop puissante (ou un adversaire trop fort), les principes chinois ne tenaient plus. Les disciples du médecin se découragèrent et l'abandonnèrent. Celui-ci, perplexe, se retira dans un petit temple et s'imposa une méditation de cent jours.

Au cours de cette ascèse, l'esprit de Shirobei atteignit une tension extraordinaire. Tout fut remis en question: la philosophie chi noise ying et yang, l'acupuncture qui en découle et enfin toutes les méthodes de combat. La question finale qui le torturait était celle-ci : « Si, lorsque j'attaque, je suis positif, je suis, par contre, négatif lorsque je subis une attaque. Or oppose une action a une action n'est fructueux que si ma force est supérieure à la force adverse. Comment être dans ce cas négatif (en défense) tout en gardant l'initiative de l'action ? Puisque l'action positive est toujours annihilée par action positive plus importante, comment subir celle-ci tout en la maîtrisant ?»

Il se promenait un matin dans le jardin du temple, alors qu'il neigeait en abondance. il écoutait le craquement des branches de cerisiers ployant sous fa neige. Puis, il vit un saule au bord de fa rivière. Le poids de la neige courbait les branches. Le bois souple se débarrassait alors de son fardeau, puis reprenait sa position première.

Ce fut l'illumination!

Au positif, il faut opposer son complément : le négatif. A la force, il faut réagir par la souplesse. Si un assaillant vous pousse, ne lui opposez pas votre force, car si la sienne est supérieure, vous risquez d'être terrassé, A la poussés, cédez rapidement par un prompt et inattendu recul. Votre adversaire aura enfonce. une porte ouverte et, déséquilibré, il choira à vos pieds. Si, au contraire, un adversaire vous tire vers lui, ne vous raidissez pas en une vaine résistance. Bondissez dans le sens de sa traction et, la encore, profitez du déséquilibré de l'agresseur pour le terrasser sans grand effort.

Le médecin de Nagasaki perfectionna alors l'attaque et la défensive en corps à corps et créa quelques centaines de prises.

Ses disciples propagèrent son enseignement sous le nom de Yoshin-Ryu ou de «Ecole du Coeur de Saule ».