jeudi 14 mai 2009

Le tai-sabaki


Le plus grand maître actuel du Judo, Kyuzo Mifune a déclaré à maintes reprises : « Le tai-sabakl est la première et dernière étape du judo ». Cet extraordinaire expert qui a élargi le concept même du tai-sabaki, considère cet art comme l'essence. même du judo et de toute action humaine. Tai-sabaki signifie littéralement « esquive du corps, mouvement tournant du corps, défense du corps en tournant »,

1. Théorie, Pour comprendre aisément l'abc du tai-sabaki, considérons le corps en plan comme un axe (ligne des épaules) pouvant pivoter sur son centre de gravité (fig.1). Si un adversaire



pousse sur une extrémité des épaules, le corps pivotera sur son centre. Il réagira de la même manière si on le tire à l'une des extrémités. Pour pouvoir perturber l'équilibre du corps et déranger la position, Il faudrait appliquer la poussée ou la traction au centre du corps. C'est la raison pour laquelle les vieux maîtres enseignent : « Faites toujours face à votre adversaire mais ne faites jamais face à son attaque ».

Le centre, le pivot de rotation, devient donc le point vulnérable.

Or il est parfaitement possible de déplacer ce point et de le porter par exemple aux extrémités (fig.2). Dans ce cas, le corps pivote autour de l'axe passant par l'épaule et la hanche gauche, par exemple, et aboutissant sur le pied gauche. C'est ce qui se passe en judo lors d'une projection. En vertu du principe de plus grand bras de levier possible, ces techniques utilisent l'extrémité du corps comme axe. C'est ainsi que dans une projection comme ippon-seoi-nage, Tori pivote sur le pied droit autour de l'axe de l'épaule et de la hanche droite, en lançant vers son arrière gauche l'autre extrémité ,du corps, c'est-à-dire, l'épaule, la hanche et la Jambe gauche. Ce mouvement rotatif puissant transmet son énergie au bras gauche qui tire Uke autour de l'axe pivotant. Dès que le pied gauche est posé au sol, l'énergie cinétique est transmise à l'épaule droite et en partie à la hanche droite qui se déplace alors sur le nouvel axe de l'épaule et de la hanche gauche.

Cette longue explication nous permet de constater que si la projection avait été effectuée avec le centre du corps comme axe de rotation pendant tout le mouvement, Tori n'aurait obtenu que la moitié d'efficacité pour une même dépense d'énergie. En effet, le pivot se trouvant au milieu des deux extrémités, le bras de levier est deux fois plus petit que s'il était placé à l'une des extrémités.

Nous voyons ainsi que le tai-sabaki n'est pas qu'une technique d'esquive. Il permet certes de rendre vaines toutes les attaques d'un adversaire mais son emploi intelligent rend de grands services dans l'attaque.

2. Pratique. Pour assimiler rapidement la base du tai-sabaki, il faut s'exercer successivement à trois formes graduelles.

La première, la plus simple, consiste à partir de la position Snizen-Hontai (aeux pieds sur la même ligne) et de pivoter sur le pied gauche en tournant tout le corps vers la droite et en reculant largement le pied droit en demi-cercle (fig.1). C'est un tai-sabaki élémentaire à droite, assez courant en défense. Pour esquiver à gauche, il s'agit tout simplement d'inverser le mode opératoire. Mais cette manière de se déplacer n'utilise pas toutes les ressources du corps.

Une seconde manière, plus efficiente consiste à avancer le pied gauche en demi-cercle devant le pied droit, tout en tournant le



corps vers la droite et en pivotant sur-le pied droit (fig.2). Celui-ci recule généralement un peu en. fin de mouvement afin d'accentuer la rotation du corps.

Ce qui nous amène au tai-sabaki complet qui consiste à feinter un petit pas d'appel du pied droit vers la droite et à lancer largement le pied gauche d'un grand pas vers l'avant gauche. Aussitôt le corps tourne vers la droite et le pied droit est ramené en arrière vers l'emplacement où se trouvait le pied gauche (fig.3).

L'étude de ces déplacements doit être répétée sans partenaire jusqu'à l'obtention de l'automatisme correct du mouvement. Il faut ensuite appliquer progressivement chaque technique à des cas précis.

PAR EXEMPLE:

• 1er tai-sabaki : esquive sur attaque en mouvement de hanche; attaque en de-ashi-barai à droite .• 2e taisabaki : esquive sur ko-soto-gake, tal-otoshi à droite; attaque à gauche de tsuri-kumi-goshi • 3e tai-sabaki : toute esquive en général; attaque de ko-soto-gake à droite, ashi-guruma à gauche.

Après cette forme d'étude, le judoka doit s'efforcer d'appliquer le tai-sabaki en déplacement pour toutes attaques et toutes défenses. Il évitera des pas trop grands, des déplacements intempestifs de son centre de gravité, des gestes brusques. Son esprit sera vigilant, de manière à ne jamais être en défaut flagrant de « mauvais emploi de son corps» et à utiliser promptement tout déplacement inexact de l'adversaire. Cet entraînement est très difficile, mais riche en enseignement, car toute la science du meilleur emploi de l'énergie se révèle dans la pratique du taisabaki.

Il s'agit en effet de dérober à tout instant son corps à l'emprise de l'adversaire et de contrôler sans cesse le sien pour y déceler la moindre faille de position. Pour y parvenir, il est impérieux de brider la tendance naturelle à recourir à la force. La rapidité du déplacement du corps entier et en particulier de son centre de gravité est plus importante que l'énergie employée par les bras.



La promptitude avec laquelle on décèle l'ouverture d'une attaque est plus efficiente que ,la force des muscles. Car si ces points si précieux ,sont acquis, l'énergie nécessaire à maîtriser l'adversaire sera moindre, L entraînement à la décontraction au calme de l'esprit, à la sincérité et à l'ardeur au combat mèneront l'élève sérieux à ce but qui est l'un des principaux du judo.