jeudi 4 novembre 2010

Samouraï



LA PREHISTOIRE

La lutte est un des plus vieux sports du monde. Mais, au début des temps, on ne parlait pas de «sport»; c'était simplement le moyen de faire entendre raison à autrui par la force. Parfois marne, le but était de supprimer un ennemi. Dans toutes les régions du globe, chaque peuplade possédait une méthode plus ou moins élaborée de combat, qui s'améliorait avec les progrès de la civilisation. Les Chinois et les Egyptiens utilisaient déjà de remarquables techniques de lutte.

Le Japon, durant des millénaires, vécut isole du restant du monde. Au Ve siècle, la civilisation chinoise pénétra par la Corée et modifia profondément la culture nippone. Cet événement eut des répercussions intenses sur l'histoire du pays, d'autant plus que les monarques envoyèrent à maintes reprises des missions culturelles en Corée ou en Chine, afin de consolider et d'approfondir les sciences acquises.

Le Japon vécut sous un régime féodal. Dirige par l'empereur, c'était en fait un gouverneur militaire qui commandait : le Shogun. Le pays était divisé en districts militaires appartenant à des vassaux du Shogun: les Daymios. Ceux-ci étaient des guerriers redoutables.

La lutte en corps à corps et les autres arts martiaux y trouvaient un terrain merveilleux pour se développer, Chaque classe de guerriers possédait ses techniques et ses armes de combat. Les cavaliers excellèrent dans le combat à la lance et au long sabre, les fantassins firent de l'escrime au sabre court et les manants devinrent experts au maniement du bâton.

D'autres armes étaient utilisées suivant les régions ou la classe sociale : on vit des spécialistes du poignard, de l'arc, de la faucille de guerre, de la massue, de l'éventail de fer, etc ... Parfois, armes brisées, il fallait continuer à mains nues. Des mêlées acharnées s'ensuivaient et, pendant quelque huit cents ans, la technique du corps à corps progressa lentement. L'apport de la culture. chinoise en matière de combat à mains nues fut considérable. La Chine appliquait des méthodes perfectionnées de lutte: sa philosophie, sa médecine et sa science en général avaient distille une terrible méthode de combat.

La lutte chinoise comme la médecine s'appuyaient sur la philosophie du tao pour concevoir une méthode de recherche théorique et d'action pratique.

Les sages considéraient l'univers et tout ce qui s'y trouve comme une union harmonieuse de deux forces contraires : le yinn et le yang.

Sont yinn : le froid, l'état liquide, l'obscurité, le noir, l'expansion, le vide, la souplesse, la douceur, le passif, le négatif.

Sont yang : le chaud, l'état solide, la clarté, le blanc, la compression, la plénitude, la résistance, la force, le positif. Mais rien dans l'univers n'est absolument yinn ou yang. Chaque chose est à la fois yang et yinn. Un homme est male et femelle, et son harmonie supérieure dépend de l'équilibration de ces deux tendances. Il est alors «complet» par lui-même, unifie. Rien n'est absolument stable ou fixe. L'univers ne connaît aucun repos. Toute chose est en équilibre entre les forces négatives et positives. .

La maladie, pour les Chinois, est une rupture de cet équilibre.

La guérison ne peut se faire que par une répartition judicieuse des influx vitaux : positifs et négatifs. Le médecin chinois canalise cette énergie en piquant les points sensibles de l'organisme du malade (acupuncture)

Ces points vitaux, parfaitement étudies, permirent de découvrir des centres réflexes de réanimation ou, au contraire, de perte de conscience, voire de mort. Certains guerriers mirent au point des coups dangereux qui atteignaient ces centres.

D'autre part, la tactique du combat s'imprègne des principes de dualité complémentaire. Si l'agresseur est positif, la victime est négative et, dans ce cas, toute la science est de garder un certain équilibre des forces antagonistes, afin de maîtriser le déroulement du combat. C'est ainsi que les Chinois développèrent deux méthodes de combat : l'une positive (d'attaque) et l'autre négative (de défense). Cette dernière consistait à épuiser l'adversaire par la non-résistance.

A chaque coup porte, rencontrant le vide, l'agresseur s'essouflait rapidement et devenait très vulnérable. De positif (force, plénitude, dureté), il devenait négatif (faiblesse, vacuité. mollesse) et pouvait être rapidement maîtrise par une attaque positive .. Cette théorie ne fut pas comprise immédiatement par tous les guerriers japonais. La peur de perdre, la foi en force ou, au contraire, la surestimation de l'adversaire, la crainte de la mort paralysaient leur esprit. les techniques positives furent bien vite assimilées et l'on vit se développer les atémis (voir part. «La self-défense»), et quelques attaques directes. Ces méthodes de combat furent à la mode jusqu'au XVIIe siècle, puis, peu à peu, la technique s'améliora. Lors de la création du bushido, le ju-jitsu devint réellement la «pratique de la souplesse», Jusqu'alors, les samouraïs avaient méprisé cette forme de lutte et ne la considéraient applicable qu'a la classe intérieure des samouraïs (ceux qui allaient à pied).

Mais, peu à peu, la culture bouddhique influença constdérablement le climat spirituel de l'élite des guerriers.

Ceux-ci, les bushis, se soumirent a des règles sévères de vis et jurèrent fidélité à un code d'honneur très rigoureux : le bushido (la voie du guerrier).

Ce code imprégna pendant longtemps l'esprit des nobles samouraïs et enseigna, jusqu'à nos jours, aux Japonais ses vertus chevaleresques. Depuis le XIIe siècle, une secte bouddhique (Zen), éduquait l'élite des guerriers. Elle ne s'embarrassait ni de doctrine, ni de dogmes; une seule chose comptait pour elle : la réalité. Le but que visait le Zen était d'amener tout individu à un état mental spécial appelé satori.

L'individu perdait la conscience d'être et saisissait l'univers d'une manière directe (intuitive). Pour atteindre cet état exceptionnel de libération, le disciple devait s'adonner a une ascèse extraordinaire. Pourquoi les samouraïs s'intéressaient-ils au Zen?

D'abord, parce que l'entraînement au Zen les libéraient des idées , préconçues, des angoisses, de l'égoïsme mesquin, de la peur de la mort. Mais aussi parce que l'ascèse Zen, libérant l'individu, permettait l'action directe. L'acte spontané sans intervention

de la conscience était alors possible. Ceci devait améliorer considérablement toute action humaine et, en particulier, les techniques guerrières. Arrivé à la perfection technique, un escrimeur, par exemple, ne peut se surpasser qu'en améliorent son état psychologique. C'est ce que comprirent les maîtres du Zen. Bientôt , les bushis devinrent des espèces de moines guerriers, qui repensèrent leurs techniques de combat. Le XVIIIe siècle fut particulièrement riche en écoles de ju-jitsu.

L'entraînement et la morale spartiates qu'impliquait le bushido formèrent des guerriers

au corps merveilleusement développé et aguerri. L'ascèse Zen, d'autre part, libérait l'esprit de toutes les entraves anciennes. cette époque fut celle ou se créèrent des centaines de prises et de nombreuses techniques d'attaque et de défense. A l'instar des corps. les esprits étaient devenus aussi souples que le saule. Toutefois, chaque école, chaque maître gardait jalousement les secrets laborieusement mis au point. En temps de guerre, nécessité fait loi et il n'était pas question d'aller montrer au voisin (peut-être un futur ennemi) ses armes secrètes.

Aussi l'initiation à ces prises redoutables s'opérait-elle dans le plus grand mystère et bien peu d'écoles écrivirent leur enseignement. La transmission était presque toujours orale, Cet état de choses se prolongea jusqu'à la fin de la période féodale (1867); et, de nos jours encore, certaines vieilles écoles de ju-jitsu conservent jalousement leurs secrets.