Le suspens, c’est l’essence même des Jeux Olympiques. Cependant, lors des Jeux de Séoul en 1988, le troisième tour dans la catégorie des mi-lourds, dépassa en intensité tout ce que l’on peut imaginer.
L’exceptionnel combattant belge, Robert van de WALLE, se retrouvait sur les tatami, à l’âge de 34 ans, à la surprise générale. Lui qui avait gagné, dans cette même catégorie, en 1980, alors que tout le monde le voyait perdant, et inversement lui qui avait perdu en 1984 alors que tous le voyaient gagnant. Toujours est-il qu’à Séoul il avait le plus mauvais des tirages au sort. En effet, au premier tour il rencontrait le champion olympique Coréen Hyung-Joo HA, s’il le battait au tour suivant il se retrouverait face au Russe PODDUBNY, un judoka imprévisible et doué.
N’accusant pas son âge, van de WALLE les “planta” tous les deux sur des balayages suivis d’immobilisation. A côté de cela, le quart de finale semblait une simple formalité. Il rencontrait l’Allemand Marc MEILING, un judoka de son niveau. Van de WALLE contrôlait le combat et l’on s’attendait à le voir marquer Ippon d’un moment à l’autre. Quand, soudain, à la deuxième minute, MEILING portait un Ko-uchi-gari au Belge, qui esquivait sans conviction. MEILING suivait alors en Okuri-ashi-barai, un enchaînement préparé de longue date.
Bien que ne tenant que d’une main, MEILING fit monter le Belge jusqu’à hauteur des hanches . Van de WALLE retomba sèchement à plat dos: IPPON, la fin d’un rêve, être le premier judoka à remporter deux titres olympiques.
Telle est la puissance des balayages, qui en un éclair peuvent changer l’issue d’un combat, même au plus haut niveau. Van de WALLE ne le savait que trop bien, lui dont les balayages avaient fait des ravages tout au long de sa carrière. N’avait-il pas marqué Ippon sur Roger VACHON en finale des championnats d’Europe, en 1985, à HAMAR en Norvège.
Les balayages font partie de la panoplie des combattants de toutes les catégories. C’est ainsi qu’à Séoul en 1985, l’égyptien Mohamed RASHWAN s’avança sûr de lui face au japonais Yoshimi MASAKI le jeune remplaçant de SAITO. MASAKI était bien loin d’avoir l’expérience de RASHWAN, cependant après avoir fait seulement quelques pas de côté, MASAKI plaça un balayage qui fit s’écrouler RASHWAN. Certes, il n’avait pas décollé comme van de WALLE devait le faire plus tard ici même, mais il était tombé à plat aussi nettement et aussi fort.
On assista à une victoire tout aussi inattendue et tout aussi rapide, au deuxième tour, en moins de 71 kg, lors des Championnats du Monde à Belgrade. Le Coréen Man-Bae JUN partait favori, il avait sauté un tour, et pensait faire un petit combat d’échauffement face à l’algérien Meziane DAHNANI. Ils se prirent en garde, firent deux pas vers le bord du tapis et au moment où JUN voulut porter Uchi-mata, il fut balayé.
Comme l’algérien s’inclina au tour suivant face au Russe TENADZE, il ne resta plus à JUN qu’à méditer sur son apparition de dix secondes et sur le niveau croissant des judoka du tiers- monde. En 1987, lors Championnats du Monde, à Es sen, le combat pour la médaille de bronze fut tout aussi spectaculaire. Le Bulgare PETROV venait de se faire marquer yuko sur Uchi-mata par l’Anglais WHITE, il se préparait à bloquer un
nouvel Uchi-mata quand un superbe balayage mit un point final au combat.
Depuis qu’il y a des compétitions internationales (1950) on a vu beaucoup de balayages et de Sasae-lsuri-komi-ashi. Le plus grand spécialiste de cette dernière technique a sans doute été Anton GEESINK. Lors des Jeux Olympiques de Tokyo en 1964, il projeta d’ailleurs avec un fantastique “Sasae” l’Anglais PETHERBRIDGE. Celui-ci fit un superbe vol plané.
KAMINAGA, avant de se faire immobiliser par GEESINK en finale, avait été plusieurs fois sérieusement déséquilibré par son « Sasae ». Mais le Hollandais avait aussi de bons balayages. C’est ainsi qu’à Rio, en 1965, en finale des Championnats du Monde, il balaya très fortement le Japonais MATSUGANA. Ce dernier tomba en dehors de la surface de combat, ce qui ne comptait pas à l’époque, mais aurait valu Ippon avec les règles actuelles.
Le Français COURTINE et l’Anglais PALMER, qui devint président de la F.I.J. comptèrent parmi les grands spécialistes des balayages. Ils se rencontrèrent même en 1958 à l’occasion des Championnats d’Europe. Les deux équipes étant à égalité, c’est eux qui disputaient le combat décisif. PALMER savait que COURTINE était un grand spécialiste de Tsubame-gaeshi. Cependant, il prit le risque d’attaquer en De-ashi-barai et de faire lui-même un Tsubame-gaeshi sur celui de COURTINE, ce qui valut un Ippon.
Toutefois, si on les rate, ces techniques peuvent être très dangereuses. La mésaventure de YAMASHITA lors des Championnats du Japon en 1985 en est un bel exemple. YAMASHITA, qui n’était pas très en forme se retrouvait en finale face à SAITO. Ce dernier était en pleine forme et l’on se demandait si YAMASHITA allait pouvoir remporter le titre pour la neuvième fois consécutive.
SAITO dominait le combat, se sentant mené YAMASHITA mit toutes ses forces dans un Sasae-tsuri-komi-ashi désespéré. Malheureusement, il rata la jambe de SAITO et retomba lui- même à plat dos.
La surprise fit passer un silence total dans les rangs des spectateurs du Budokan. Mais la surprise fut encore plus grande quand les arbitres ne donnèrent aucun résultat.
SAITO ne fut pas assez rapide pour suivre au sol et pendant les sept minutes restantes YAMASHITA attaqua sans arrêt et SAITO sanctionné pour non-combativité perdit à la décision.
L’analyse de la bande vidéo prouva que les arbitres ne s’étaient pas trompés, YAMASHITA avait bien manqué la jambe de SAITO et il était bien tombé de lui-même. SAITO tellement surpris n’avait même pas esquissé un geste d’accompagnement. Il n’aurait donc pas été normal de donner un résultat.
Nous venons de voir quelques remarquables exemples de balayages. Notons cependant que les quatres techniques décrites ici, ne ressortent pas spécialement dans les statistiques de compétition. Il y a bon nombre de raisons à cela.
Tout d’abord, il est difficile de déterminer avec exactitude les techniques employées. En effet, ce qui est apparu comme un Ko-soto-gake au départ, peut évoluer vers un balayage au cours de l’action. Ce fut le cas pour la projection de \VHITE sur PETROV. Il en va de même pour les fausses attaques sur une jambe bien stable, qui se déplace ensuite.
Cependant, si l’on enregistre peu de Ippon sur les balayages, les petits avantages qu’ils permettent de marquer sont eux très nombreux. Il n’y n pas de meilleurs moyens de percer une solide défense, que d’attaquer en balayages en se déplaçant beaucoup sur le tapis. On ne compte plus à tous les niveaux de compétition le nombre de Koka et de Yuko qu’ils ont rapporté. De plus ils sont employés à tous les niveaux pour déstabiliser l’adversaire. Et l’on voit souvent les adversaires les plus défensifs donner involontairement l’ouverture pour une grande technique de hanche ou d’épaule, quand ils ont été mis plusieurs fois en danger par des balayages.
Que les balayages soient utilisés en attaque, en enchaînement ou en ouverture, il est certain qu’ils vont continuer à jouer un rôle dans les compétitions de judo. C’est un rôle qu’ils ont d’ailleurs eu dès les premières compétitions internationales. La dernière fois où GEESINK se fit marquer un Ippon, ce fut sur un balayage lors des Championnats du Monde à Tokyo en 1958. En quart de finale, il était opposé à YAMASHIKT sur qui il tentait de puissants Uchi-mata. Soudain, YAMASHIKI surpassa et balaya le “géant hollandais” : Ippon.
Lors des Jeux Olympiques de Tokyo, on vit aussi bon nombre de “Ashi-waza” spectaculaires. Tout d’abord, NAKATANI qui attaqua systématiquement en balayage et qui marqua même, ainsi, Waza-ari sur le Suisse HAENNT, en finale. Puis GEESTNK, qui comme nous l’avons vu marqua “Sasae” en moins de quinze secondes sur PETHERBRIDGE.
Même le grand YAMASHITA n’est pas invulnérable aux balayages. C’est ainsi que lors de son premier “Tournoi de Paris”, face à l’Australien Wallace, il était trop sûr de lui. Il porta O-soto-gari sans succès, et revint trop lentement. l'Australien le balaya. L’arbitre annonça Ippon, les juges le firent descendre à Waza-ari. Mais ce fut un choc qu’il n’oublia jamais.