jeudi 5 décembre 2013

EVALUATION DE L’ATHLETE

L’évaluation de l’athlète, pratique encore récente, imparfaite, partielle, complexe et variée, n’est pas le monopole d’une spécialité quelconque, elle devrait être le souci permanent de tous les scientifiques concernés comme le médecin, le psychologue, le nutritionniste, le physiologiste, le biomécanicien et une opération périodique de l’entraîneur.

1) POURQUOI EVALUER?


Ne serait-il pas possible de faire l’économie d’une évaluation en prenant en considération le critère ultime qui est la performance ? La performance est la résultante de facteurs génétiques, psychologiques, technico-tactiques, biomécaniques et physiologiques. Le rôle de l’évaluation consiste à isoler les différentes composantes qui interviennent dans une discipline donnée, à les apprécier quantitativement, à identifier et hiérarchiser les variables intervenant dans l’amélioration des performances sportives.

L’élévation du niveau de performance, les limites des méthodes empiriques et les exigences scientifiques ont entraîné des méthodes de préparation des sportifs fondées sur des principes rigoureux qui impliquent nécessairement l’évaluation et qui permettront à l’athlète d’être orienté et d’exploiter au maximum son potentiel.

Les épreuves «évaluation ont des buts d’information et de recherche d’une part et des buts opérationnels d’autre part. Du premier point de vue, le développement des tests a entraîné l’amélioration des connaissances relatives à certains phénomènes observés au cours de l’effort et de la récupération et a suscité des hypothèses de recherche fructueuses. C’est ainsi par exemple que la consommation maximale d’oxygène s’est révélée être un excellent indicateur de l’endurance. Mais elle ne permet pas d’expliquer à elle seule la performance au sein d’une équipe de coureurs de fond. En effet, on ne retrouve pas de corrélation, au sein d’une équipe nationale de coureurs de fond, entre VO2 max et la performance. Les travaux sur la lactaci-demie sont un autre exemple.

En ce qui concerne les objectifs opérationnels. l’évaluation doit en dernière analyse, être bénéfique à l’athlète. En fonction des qualités exigées par la discipline sportive, les tests indiquent les points forts et les insuffisances du sportif, qui serviront alors de base à la réalisation du programme d’entraînement. Celui-ci visera à entretenir ou développer les aspects positifs et à combler les insuffisances. Comme la performance est la résultante de plusieurs composantes, la composante physiologique est elle-même le produit de plusieurs facteurs dans la majorité des disciplines sportives. Des tests isolant ces facteurs sont initialement mis au point au laboratoire, dans une seconde étape des tests plus simples nécessitant moins de moyens sont validés par rapport aux premiers et mis à la disposition «un nombre plus important d’examinateurs et d’athlètes. Toutes ces épreuves fournissent des informations qui serviront à orienter ou à réaliser des programmes d’entraînement appropriés, concentrés sur le développement d’éléments pertinents pour la discipline.

S’ils sont judicieusement placés dans le programme d’entraînement, les tests permettent d’évaluer l’efficacité d’un cycle de préparation pour un individu ou une équipe et de prendre les mesures correctrices nécessaires au moment opportun.

La réalisation et !‘interprétation des épreuves participent à la formation des entraîneurs de plus en plus sensibles aux informations scientifiques notamment lorsqu’elles correspondent à leur attente. Elle est également une action éducative pour l’athlète qui apprend à mieux connaître les réactions de son organisme aux exigences de l’entraînement.

Enfin, du point de vue médical, les exercices utilisés et notamment ceux testant la capacité aérobie sont souvent employés en clinique pour apprécier les réactions cardiovasculaires à l’effort d’un athlète.

2) QUI EVALUER?


Bien que nous ayons axé notre attention essentiellement sur le sport d’élite, l’évaluation n’est pas un domaine réservé. Moyennant certaines précautions et mesures de sécurité, parfois une adaptation des appareils ou des accessoires, souvent de la fréquence et de la charge, ces tests peuvent être utiles pour des catégories de populations autres que les athlètes. Le contenu de l’évaluation variera alors avec les objectifs fixés. Cependant, l’extension des tests de laboratoire à des populations importantes n’est pas réalisable en raison notamment du prix de revient.

Aux âges précoces, les tests peuvent contribuer avec d’autres facteurs notamment anthropométriques à la détection et à l’orientation des jeunes talents sportifs. L’analyse des différents systèmes sportifs dans le monde montre que les pays qui ont mis au point et appliqué un système de détection active et un suivi régulier de ces enfants présentent une supériorité certaine et constante des résultats. Plus tard, ils peuvent aider à la sélection (les sportifs (le différents niveaux de pratique et participer au pronostic de la performance. Aux figes plus avancés, ils permettent d’identifier les points faibles qu’il convient de compenser pour mener une vie active aussi longue que possible.

Enfin, l’évaluation n’est pas l’exclusivité des sports, elle devrait être régulièrement effectuée au niveau de l’enseignement d’éducation physique scolaire. Elle permettrait à l’enseignant la réalisation d’un programme plus adapté aux capacités des élèves et d’en estimer l’efficacité.

L’évaluation d’un sujet n’est pas une opération dénuée de risques et particulièrement si elle est effectuée sur des populations importantes. Aussi, ne seront soumis aux épreuves. que les sujets qui auront subi au préalable un examen médical approfondi mentionnant dans ses conclusions que l’individu peut, sans risque pour sa santé. être soumis à des efforts intenses.. En respectant cette règle, nous n’avons enregistré aucun accident parmi plus (le 20.000 épreuves d’effort effectuées au laboratoire. Cependant. on peut signaler un décès d’un hand-balleur, après un test de Cooper, qui n’a pas subi l’examen préalable.

3) QUELS SONT LES TESTS DISPONIBLES?

Les épreuves sont très nombreuses, de validité inégale, de réalisation plus ou moins complexe. Déjà en 1972, Bouchard et Godbut avaient inventorié dans une revue exhaustive de la littérature spécialisée pas moins de 3039 tests.

Parmi eux, seuls 105 ont été reconnus valides et réalisables. Ainsi, les épreuves à notre disposition sont aussi nombreuses que variées mais de valeur très différente. En outre, leur description est éparpillée dans la littérature de diverses langues et d’accès souvent peu aisé. Aussi cet ouvrage réunira-t-il quelques tests de certaines qualités sans viser l’exhaustivité. Une trop grande diversité d’épreuves nuirait à leur diffusion et à l’accumulation de données.
Ces épreuves ont été classées de différentes manières.

On parle de tests spécifiques pour désigner les tests qui évaluent les qualités pertinentes pour la discipline, en impliquant dans l’exercice les principaux groupes musculaires sollicités par le geste sportif effectué et autant que possible dans les conditions ambiantes de l’entraînement ou de la compétition. Cette importante notion de spécificité sera très souvent reprise dans les différents articles qui suivent. Suivant l’intensité des épreuves de capacité aérobie. on distingue les épreuves maximales et sous-maximales. Les premières désignent les épreuves où la puissance maximale aérobie (PMA) est atteinte, les secondes celles qui ne requièrent qu’un pourcentage (60 à 80%) de la PMA.

Margaria et al. (1971) ont défini le test supra-maximal comme un test où la puissance mécanique développée requiert, par unité de temps, une dépense totale d’énergie supérieure à la quantité maximale d’énergie que peut fournir le métabolisme aérobie.
Suivant que les résultats expriment directement la qualité évaluée ou qu’ils permettent de la prédire, on parle respectivement d’épreuves directes ou indirectes.

Si à l’origine, la distinction entre épreuves de laboratoire et épreuves du terrain était opérée selon le lieu de déroulement des tests, actuellement ce sont les conditions de mesure qui marquent la nuance. Les épreuves de laboratoire exigent un matériel plus sophistiqué et permettent une mesure dans des conditions expérimentales du paramètre physiologique étudié. La rigueur et la précision sont également importantes pour les deux catégories d’épreuves. Il y a lieu peut-être de souligner ici que les épreuves de laboratoire bien que bénéficiant de l’aura de la haute technicité ne fournissent pas toujours l’information qui correspond le plus à nos besoins. Pour les qualités étudiées, ces différentes classifications ont été utilisées en fonction des besoins.

4) QUELLES EPREUVES CHOISIR?

Si en théorie, le choix d’un test ou d’une batterie de tests est effectué en fonction de (s) l’objectif (s) visé (s) par l’évaluateur, l’action d’évaluer demeure un acte pratique. Les moyens disponibles, les conditions ambiantes, l’entraîneur ou l’athlète qui n’est pas un cobbaye, peuvent par exemple, conduire à opter pour des tests plus rapidement réalisables.

Chaque discipline sportive impose à ses athlètes des exigences particulières. Il appartient à l’entraîneur et au scientifique du sport de l’équipe d’en faire l’inventaire pour déterminer le contenu et la fréquence des tests à réaliser et leur importance pour la performance. Peut être faut-il apporter quelques nuances ? Pour importante qu’elle soit la hiérarchisation ne signifie pas que les autres qualités ne jouent aucun rôle. C’est ainsi, par exemple, que la souple e de la colonne vertébrale d’un foot-balleur de l’équipe nationale n’aura pas un coefficient de pondération élevé, mais une rigidité du rachis peut être liée aux lombalgies et entraîner un arrêt des entraînements ou des compétitions. Certaines qualités d’intérêt secondaire pour la performance dans une discipline sportive donnée devront donc être évaluées périodiquement et dans ce cas une épreuve indirecte du terrain répond bien aux besoins.

Tout comme le programme d’entraînement d’une discipline, on distingue les qualités essentielles pour la performance et les qualités accessoires, l’évaluation utilisera les épreuves les plus fiables pour les premières et sera moins exigeante pour la mesure des secondes.
De nombreuses équipes dans les pays développés et surtout dans les pays en voie de développement ne disposent pas de centres spécialisés d’évaluation et par conséquent de nombreux tests de laboratoire ne leur sont pas accessibles. Dans ces conditions, il est recommandé d’utiliser les épreuves les plus accessibles en fonction des disponibilités locales. Plus que la sophistication, c’est la validité du test, sa maîtrise et la conscience de l’intérêt de l’évaluation qui sont déterminantes.

5) QUELLES SONT LES NOTIONS PHYSIOLOGIQUES PREREQUISES?

Certains éléments de physiologie fournissant la base de réalisation et d’interprétation de divers tests sont succinctement présentés au niveau des différents articles. Cependant, de nombreux pré requis sont nécessaires à la bonne compréhension des épreuves et cet ouvrage n’a pas la prétention de se substituer aux excellentes publications de physiologie de l’exercice actuellement disponibles.

Afin de fournir un cadre permettant de décrire les principales qualités fondamentales généralement sollicitées par les activités sportives et de montrer leurs inter-relations, on peut schématiser à l’extrême l’acte moteur comme étant le résultat d’une force développée à la suite d’une commande nerveuse par un muscle qui entraîne le mouvement d’une articulation. Pour que la contraction puisse se réaliser ou se poursuivre, de l’oxygène et le combustible nécessaire doivent être disponibles au niveau du muscle ( Image1).

EVALUATION DE L’ATHLETE schématisation de l acte moteur
Image 1 schématisation de l acte moteur


6) COMMENT SE PRESENTE L’OUVRAGE?

Nous allons essayera de situer l’évaluation au sein d’un programme d’entraînement en fournissant des orientations sur les qualités à tester et sur le moment de l’évaluation.

Comme toute autre activité pédagogique, la préparation de l’athlète doit être périodiquement contrôlée. Les tests doivent porter sur les qualités pertinentes, simulant autant que possible le geste sportif. Le contenu et la fréquence sont déterminés par le programme d’entraînement.

Ensuite nous traite de l’évaluation de la capacité aérobie. Après avoir défini le concept et les unités de mesure, les relations entre la consommation d’oxygène et la performance sportive sont envisagées, ainsi que l’influence de l’entraînement sur son développement. Par la suite, sont successivement décrits les épreuves directes de détermination de la consommation maximale d’oxygène, les épreuves indirectes et enfin les tests du terrain.

Le seuil anaérobie est défini avant d’aborder ses méthodes de mesure soit par dosage de l’acide lactique soit par le biais du seuil ventilatoire. Une brève étude critique de ses fondements théoriques est effectuée.

Les qualités énergétiques anaérobies sont traitées, en soulignant les recommandations générales pour la réalisation des épreuves. L’évaluation du potentiel anaérobie alactique précède celle du potentiel anaérobie lactique. Les limites de ces épreuves sont enfin envisagées.

Bien que la force fasse appel au processus énergétique anaérobie et puisse être estimée à partir de là, son intérêt dans le domaine sportif amène à identifier sa mesure au sein dans ce dernier.

Après un bref rappel de quelques notions physiologiques utiles à l’explication des principes, à la réalisation ou à l’interprétation des tests, sont envisagés la pertinence et les objectifs des tests de force. La descriptions des épreuves est effectuée en distinguant les tests de force isométrique, dynamique et isométrique, avec pour chaque catégorie les exercices de force (puissance) et ceux de force endurance (test de fatigue).

Pour de nombreuses disciplines sportives, un certain degré de souplesse articulaire est nécessaire. nous décrit les facteurs limitants, les moyens de développement de la souplesse, les objectifs des tests avant d’étudier les méthodes indirectes et les méthodes directes d’évaluation.

La capacité d’utilisation du complexe neuro-musculaire ou habileté est le thème développé. Différentes épreuves estimant diverses composantes sont ensuite présentées.

La consommation d’oxygène, les lactates sanguins et des paramètres cardio-vasculaires comme la fréquence cardiaque ou la pression artérielle sont souvent utilisés pour apprécier les réactions de l’organisme après la charge. Ces tests et leurs critiques éventuelles sont décrits ensuite.

Dans les dernier articles regroupe les tests divers évaluant d’autres facteurs que ceux précédemment décrits comme par exemple les réactions de l’organisme au changement de position ou les tests d’apnée.